Vient de sortir le film « L’Abbé Pierre – Une vie de combats, » que je vous conseille d’aller voir car riche d’une lucidité éclairée de la vie de l’Abbé Pierre que j’ai eu la chance de rencontrer à Grenoble, notre rencontre de ce jour s’inscrit est en droite ligne de l’esprit qu’il semait comme il le disait si judicieusement « Un sourire coûte moins cher que l’électricité, mais donne autant de lumière. »
Cela fait maintenant 14 ans, parmi diverses animations dans différents lieux du territoire, que le temps fort du Festival des Solidarités se déroule à Emmaüs, au cœur de l’activité de l’association, du travail des Compagnes et Compagnons, dans ce lieu de vente, passerelle entre ceux qui donnent, ceux qui remettent en état vendent, ceux qui achètent.
Passerelle un mot qui symbolise au mieux cette journée. Passerelle est une construction vivante qui est l’antithèse du mur (à une époque où Les murs frontaliers se multiplient à travers le monde) ; elle induit la rencontre et donc la connaissance ; elle crée le lien, le cousinage comme on dit en Afrique.
Emmaüs s’inscrit dans ce combat permanent sous forme de passerelle par son accueil inconditionnel, sans différence de race, d’origine, de religion : Le contraire de la misère ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage, disait l’Abbé Pierre.
Passerelle active de SOS Méditerranée qui affirme le droit de tout humain à vivre ; hommes, femmes, mineurs qui prennent des risques majeurs afin de se créer des perspectives pour eux et pour leur famille (rappel : dès la convention internationale de Bruxelles de 1910, son article 11 précise « le devoir de prêter assistance à toute personne, même ennemie, trouvée en mer en danger de se perdre. » Les chiffres de 2022 nous accablent : + de 2 400 morts… et 2 505 secourus par SOS Méditerranée, mais comme disait l’abbé Pierre : Les hommes politiques ne connaissent la misère que par les statistiques. On ne pleure pas devant des chiffres.
Passerelle de ces jeunes collégiens crollois qui nous offrent des messages de solidarité et d’espoir, et comme disait encore et encore l’abbé Pierre : Une civilisation se mesure à la qualité des objets de colère qu’elle propose à sa jeunesse.
Passerelle, bien modeste que cherche à mettre en œuvre le collectif ASI à travers les actions des associations qui le composent : agir « là-bas et ici », et là aussi, je rapprocherais de propos de l’abbé Pierre : Mon message ? Il n’y en a qu’un, je crois, qui est un cri : » Partagez ! Donnez ! Tendez la main aux autres ! Gardez toujours un carreau cassé dans vos univers bien feutrés pour entendre les plaintes qui viennent de l’extérieur.
Pour conclure, deux témoignages tout en remerciant ceux qui ont contribué à la réussite de cette journée conviviale, festive et de partage (ils se reconnaitront)…
Le premier lors d’une manifestation à Grenoble en opposition au délit de solidarité préconisé par un ancien président de la République ; une femme portait une pancarte sur laquelle était écrit : de loin c’est un étranger, de plus près c’est un homme, de tout près c’est un frère…
Le second, c’est le témoignage de Marie, une femme togolaise, qui a émigré au Canada et y a demandé le droit d’asile. Elle me téléphone un jour, me disant : je suis heureuse et très triste à la fois. Je lui demande de s’expliquer. « Je suis heureuse, car je viens d’obtenir la double nationalité, nous sommes libres, mes filles et moi nous pouvons voyager en prenant notre passeport canadien. Je suis très triste car je suis la même femme qu’hier et c’est un bout de papier qui change ma vie ». Quel sens a notre monde quand la vie d’un individu se résume à un bout de papier (qu’il soit OQTF ou titre de séjour) qui fixe l’avenir et le sort d’un individu, d’une famille car il est né à tel endroit de notre planète ? Je vous laisse réfléchir à cette question… dont je n’ai pas la réponse.