Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra
Mouvement des Travailleurs ruraux Sans-Terre (MST)
L’histoire de La République fédérative du Brésil, laisse des plaies non cicatrisées à une grande partie de la population, et notamment celle rencontrée lors de ce séjour organisé par le Mouvement rural des Sans-Terre, relayé en France par Tamadi et animé sur place par Antonio Jeova Sampaso, délégué régional à l‘éducation et aux coopératives, sans oublier José Neves Brandao inlassable interprète. Nous sommes quatre : Emilie et Jérôme, couple nantais à la cinquantaine, Françoise retraitée et moi.
Dans ce vaste pays (le cinquième plus grand pays de la planète) habitée par 215 millions d’habitants parmi les plus diversifiées au monde sur le plan ethnique : Blancs : 47,3 % , Métis : 43,1 %, Noirs: 7,6 %, Asiatiques : 2,1 %, Amérindiens (peuples indigènes) : 0,8 %.
Un peu d’histoire…
Avant 1500, entre 3 et 5 millions d’Amérindiens vivaient au Brésil principalement de l’agriculture sur brûlis, la pêche, la chasse, la cueillette. À la fin du 15ème siècle, le territoire était habité par plus de 200 ethnies semi-nomades, ne connaissant pas la propriété privée… En 1500, Pedro Alvarez Cabral débarque au Brésil et le proclame possession du Portugal… Vers le milieu du siècle la culture de la canne à sucre, principale richesse commerciale du pays, amena les Portugais à développer la traite négrière jusqu’en 1888. Le Brésil reçut environ 5,5 millions d’esclaves Africains… Indépendance en 1822… Monarchie puis ‘’République Café au lait’’ dirigée par une oligarchie de riches propriétaires… Dictature militaire (1964-1985)… Restauration de la démocratie… En 2002, Luis Inacio da Silva dit « Lula » est élu président de la République, issu du Parti des Travailleurs ; un régime d’extrême droite sous Jair Bolsonaro (2019/2023) lui succède, avant un retour au pouvoir en 2023…
Quelques données sociétales…
La forêt amazonienne avec ses 4 millions km² est la plus grande forêt tropicale de la planète, réservoir unique de biodiversité. Elle connaît un taux de déforestation extrêmement rapide qui s’est accélérée sous la présidence de Jair Bolsonaro : 17 % à ce jour. Ce patrimoine naturel est gravement menacé par l’activité humaine : agriculture et élevage illégaux, exploitations minières et pétrolières, barrages, braconnage, etc. L’environnement naturel et certaines ethnies en sont menacés.
Les ségrégations sociale et raciale existent de facto entre les pauvres, les minorités, les femmes, les Amérindiens, les Noirs et les familles les plus riches : les 5 % les plus riches détiennent autant de richesses que les 95 % restant. « On demeure encore aujourd’hui un pays d’esclavagisme ; pour les indigènes, les minorités, les Noirs l’esclavagisme blanc est bien présent, d’ailleurs il existe nombre de descendants portugais qui refuse l’intégration et se considère comme supérieurs précise Gewe Santos Dirego, l’un des deux représentants de l’Etat de Ceará au conseil national collégial du MST, qui poursuit : c’est à cause de l’esclavage blanc que le MST existe aujourd’hui. Les livres d’histoire nous enseignent que les Portugais sont venus pour nous développer. Elle s’écrit dans « une histoire romantique » et non dans la réalité des luttes, des massacres, de l’exploitation. Aujourd’hui le MST réécrit l’histoire. »
Les Eglises exercent une forte influence dans la politique. L’église catholique, adossée à la théologie de la libération des années 70/80, (Dom Helder Camara, Dom Fragoso, Paulo Freire, etc.) a toujours été derrière les pauvres. Les militaires durent en tenir compte « on ne tue pas un homme d’église comme on exécute un militant de la cause paysanne ; c’est toujours le cas aujourd’hui, mais les églises évangélistes ont une position diamétralement opposée et sont d’un appui farouche aux riches propriétaires » (Gewe). Evangélistes, le lobby des armes à feu et les riches propriétaires fonciers appelés les « BBB » (Bible, Balle, Bœuf) forment les quatre cinquièmes du parlement, hommes d’affaires qui représentent des intérêts particuliers, ce qui fait dire à Lula : « nous avons le gouvernement mais pas le pouvoir ». La culture du colonialisme et de l’esclavagisme demeure vivace dans l’inconscient collectif. La classe dominante renforce cet inconscient, institutionnalisant une hiérarchie de classe : les pauvres doivent restés pauvres afin de les utiliser à un meilleur coût. L’élection de Lula fut un très mauvais exemple car elle montre qu’un « simple » ouvrier pouvait devenir président. Bolsonaro chercha à retirer la sociologie et la philosophie des matières enseignées à l’université. (Jeova)
L’agriculture
Lors de la colonisation, la couronne portugaise divisa la terre en grandes propriétés, appelées les capitaineries héréditaires, qu’elle offrit à des aristocrates portugais, devenant alors seigneurs ou capitaines. L’agriculture se structura autour de grandes cultures de rentes et d’exportation. Cette situation a peu évolué et aujourd’hui : 0,8 % des propriétaires terriens (environ 40 000) détiennent 42 % de la surface cultivable tandis que 40 % d’entre eux (environ 1 700 000) s’en partagent 1,4 %. Si l’agriculture représente 40 % des exportations, elle contribue seulement à 7 % du PIB et n’emploie que 9 % de la population. Les conflits liés à la possession de la terre peuvent être violents. Dans ce pays qui possède le triste record des homicides (environ 50.000 par an sur ces 20 dernières années !),des milices para policières, héritières des « escadrons de la mort » sous la dictature, se présentent comme des groupes d’autodéfense paramilitaires de type mafieux liées à des politiciens. Dans les régions rurales, elles sont utilisées par des hommes d’affaires pour accaparer des terres. Dans son rapport 2022, Amnesty International souligne : « Le racisme continue d’alimenter la violence étatique. De nombreux massacres ont été commis par des membres des forces de sécurité. L’appauvrissement de la population touche de manière disproportionnée les groupes traditionnellement en butte à des discriminations, comme les personnes noires, les peuples autochtones et communautés traditionnelles… Le nombre de personnes en situation de grave insécurité alimentaire a atteint 33,1 millions, soit 15 % de la population…». Par ailleursla Commission pastorale de la terre a recensé durant le premier semestre 2022 « 759 cas de violences, concernant 113 654 familles au total, et 33 homicides dans le cadre de conflits fonciers dans les zones rurales du pays ».
Les racines du MST
C’est dans ce passé colonial fait de luttes que le Mouvement des Sans-Terre inscrit ses racines. « Les Portugais n’ont fait que voler et tuer. Toutes les richesses partaient au Portugal, ne laissant rien au pays. Ceux qui n’obéissaient pas étaient tués. Il y eut ensuite l’esclavagisme africain : catalogués de Noirs, de sauvages, d’athées ils n’ont jamais été considérés comme des envahisseurs à la différence des Portugais et sont devenus des « Frères par l’histoire ». (Gewe)
Dès le début du XVIIème siècle, le marronage (la fuite des esclaves) amena la création de zones d’agriculture familiale basées sur une coopération solidaire (les quilombos). En 1850, une loi sur les terres permit aux Noirs et aux Amérindiens d’avoir le droit d’acheter les terres, sauf… qu’ils n’en avaient aucunement les moyens. Nombre d’entre eux durent émigrer en ville et leurs descendants se trouvent aujourd’hui dans les favelas.
A la fin du 19ème siècle la révolte de Canudos installa 25 000 personnes sur une terre conquise pour construire une société parallèle théocratique ; elle s’est achevée par un massacre. A partir de 1955, des ligues paysannes sont conçues comme des sociétés d’assistance pour la paysannerie pauvre. En 1963, plusieurs centaines de ligues regroupaient plus de 500 000 affiliés. Ces ligues ont expérimenté, avec succès, le mode d’action des occupations de terre, contraignant le gouvernement à des expropriations en faveur des petits paysans.
Pendant la dictature militaire la mécanisation de l’agriculture entraîna l’expulsion de petits propriétaires, des salariés agricoles des latifundiums qui devinrent sans terre. En septembre 1979, dans le Rio Grande do Sul, des paysans sans terre expérimentèrent la première occupation massive. Ils furent fortement appuyés par la Commission Pastorale de la Terre, organisation de religieux de la théologie de la libération. Rapidement, de nombreuses occupations de latifundio s’organisèrent, côtoyant les mobilisations populaires pour le retour à la démocratie. Celle du camp Encruzilhada Natalino eut des répercussions nationales et internationales : face à la résistance des paysans et à la répression militaire, l’Église catholique acquit un terrain de 108 hectares à Ronda Alta. Un abri temporaire y sera installé pour les familles, couronnant par une victoire la résistance.
Drapeau : chaque couleur, chaque dessin a une signification particulière. Couleur rouge : le sang qui coule dans les veines de chaque travailleur et la volonté de lutter pour la réforme agraire, pour la transformation de la société ; Couleur blanche : la paix, qui ne sera atteinte que lorsqu’il y aura justice sociale ; Couleur noire : notre deuil et notre hommage à tous les travailleurs tombés dans la lutte pour la nouvelle société, aux attaques subies de nuit… et aux occupations également organisées de nuit ;Machette : l’outil de travail, de lutte et de résistance. Il va au-delà de la carte pour indiquer que le mouvement est internationaliste ; Carte du Brésil : la lutte nationale des sans terre et la nécessité d’une réforme agraire dans tout le pays ; Couleur verte : l’espoir des travailleurs sans terre quant à la victoire de chaque grand domaine que nous conquérons ; Ouvrier et Ouvrière : la nécessité que la lutte soit menée par des femmes et des hommes, par des familles entières. |
40 années de lutte pour une juste cause
C’est en 1984, que naît officiellement le « Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra » Mouvement des travailleurs ruraux Sans-Terre « dans une continuité historique des mouvements de luttes contre l’oppression et pour la terre au Brésil et dans le monde » avec trois axes fondateurs : lutter pour la terre, lutter pour la réforme agraire et lutter pour les changements sociaux dans le pays. Il repose sur de grands principes : son indépendance des partis politiques et de l’Église catholique, tous les organes de direction sont à parité femmes et hommes, la collégialité, sans réforme agraire, il n’y a pas de démocratie, une production écologique, sans pesticide, sans engrais chimique et sans OGM, favorisant une diversification des cultures, la reforestation, la culture de plantes médicinales, la nourriture pour les familles du MST et la commercialisation du surplus à des prix accessibles aux plus démunis, rapports de production coopératifs et solidaires. Son rôle ? «L’organisation et l’éducation des sans-terre en mouvement (alphabétisation, puis formation politique et militante des jeunes et des adultes) dans les différentes actions menées (campements, occupation de latifundia, d’organismes publics, de multinationales, marches…).
Lors du 1er Congrès national en janvier 1985 est adoptée la devise : « La terre pour ceux qui y travaillent… L’occupation est la seule solution ». Le Plan national de réforme agraire (PNRA) de 1985 prévoyait de mettre en œuvre rapidement le statut foncier et d’installer 1,4 million de familles, mais il échoue. « Très tôt, nous avons appris que les intérêts des riches propriétaires trouvaient leurs meilleurs outils de répression dans l’appareil d’État. »
Au fil des années le MST conforte sa fonction sociale et lors de son second congrès en 1990, il crée sa devise « Occuper, Résister, Produire » et réaffirme l’occupation de terres comme le principal instrument de lutte pour la réforme agraire. En 1993 il participe activement à la création de Via Campesina, un mouvement qui rassemble des organisations paysannes de petits et moyens agriculteurs, d’ouvriers agricoles, et de communautés indigènes des cinq continents.
Les dernières années 90, sont marquées à la fois par l’augmentation de l’exode rural (causé par l’action des banques contre les petits agriculteurs endettés), l’abandon de l’agriculture familiale par l’État et deux massacres de familles lors d’occupation : Corumbiara (1995), à Rondônia, et Eldorado dos Carajás (1996), à Pará. Un an après ce massacre des milliers de sans-terre participent à la Marche nationale pour l’emploi, la justice et la réforme agraire sur 1.000 kilomètres. A leur arrivée à Brasilia, environ 100 000 personnes accueillent « la Sem Terra », manifestant leur solidarité pour une réforme agraire.
Le 4ème Congrès national en 2000, conforte l’avancée de la lutte et affiche des résultats impressionnants avec 350.000 familles installées et 100.000 vivants dans des camps… Également des associations de production, de commercialisation et de services, des coopératives d’agro-industrialisation, la création de 1.500 écoles publiques dans les villages où se développe une pédagogie spécifique, etc..
Avec l’élection du président Lula en 2002, les Sans-Terre attendaient une véritable réforme agraire. Cependant, « la situation agricole s’est aggravée pour les petits agriculteurs et le modèle agraire-exportateur s’est accentué, divisant notre territoire en « lots » de monoculture, comme le soja, la canne à sucre et la cellulose, en plus de l’élevage extensif. ». En 2004, nouveau massacre à Felisburgo (dans le Minas Gerais), drame d’une juste lutte… En 2005, le MST organise la plus grande marche populaire de l’histoire brésilienne, avec plus de 12.000 personnes marchant sur 300 km (de Goiania à Brasilia) afin de faire pression sur le gouvernement Lula pour qu’il tienne ses promesses électorales en ce qui concerne la réforme agraire .
Ces deux dernières décennies sont marquées par le conflit entre deux modèles agricoles, deux modèles de société.
D’un côté l’agro-industrie basée sur la monoculture, portée par les banques, les grands groupes économiques, les riches propriétaires dont les exportations sont au centre du modèle économique. De l’autre côté les projets agricoles, axés prioritairement sur la production alimentaire pour la consommation interne. C’est au cœur de ce différend politique que Le 5ème congrès en 2007 prit pour thème « Réforme agraire, pour la justice sociale et la souveraineté populaire ». Nouveaux défis avec une réforme agraire comme alternative pour résoudre les très graves problèmes sociaux du pays : faim, chômage, violence, exclusion économique et sociale croissante…
Le 6ème Congrès National en 2014 eut pour devise. « Combattez, construisez une réforme agraire populaire ! »
Si, grâce à son organisation et à sa dimension éducative, le MST est devenu un mouvement de masse de lutte pour la terre, il n’en est pas moins critiqué. La presse brésilienne n’hésite pas à qualifier les sans-terres de « terroristes », ou de « talibans du Brésil ». Jair Bolsonaro, avant d’être élu président, ne déclarait-il pas en 2016 : « La carte de visite pour un marginal du MST, c’est une cartouche de 7.62 » ?
Le mouvement a reçu le Right Livelihood Award, (appelé prix Nobel alternatif) en 1991 et le prix international Roi Baudoin pour le développement en 1997.
Entre 1985 et 2017, 1 722 militants du Mouvement des Sans-Terre furent assassinés.
Lors du 7ème Congrès national qui se tiendra en juillet 2024 à Brasilia le MST fêtera ses 40 ans. Keila représentante du Ceará au congrès national précise les quatre axes prioritaires :
1) la lutte pour l’accès à la terre. Depuis 40 ans il s’agit du fil conducteur, dans un environnement qui varie. Il y a nécessité de définir une nouvelle matrice au centre de laquelle figure l’agroécologie, la préservation des zones qui sont détruites, la reforestation. L’agrobusiness avance et il est impératif de se battre au quotidien contre ces machines à écraser tout en y intégrant le développement des énergies renouvelables, la spéculation immobilière.
2) La lutte contre la faim, problématique des plus pauvres de la société brésilienne très inégalitaire. Si les avancées sont réelles suite à l’élection du Lula, priorité doit être donnée à la production de denrées saines, biologiques accessibles pour tous.
3) La lutte pour la défense de la démocratie, contre le fascisme qui s’est développé ces dernières années, notamment sous la présidence de Bolsonaro.
4) La solidarité internationale. Nous ne sommes pas seuls au monde et nous devons agir en soutien auprès de tous ceux qui connaissent la faim, l’exploitation et ne peuvent accéder à la terre.
Organisation interne
Le Mouvement des Sans Terre est organisé dans 24 États (seuls manques les trois Etats amazoniens : vue la violence, être un représentant vaudrait condamnation à mort… « Notre stratégie est différente : on travaille sur l’accès à la santé et au reboisement où nous avons replanté 24 millions d’arbres sur un projet de 100 millions. Cette action de terrain doit permettre de fédérer la population dans un mieux être sans avoir une incidence directe sur la lutte contre les riches propriétaires et faire avancer progressivement nos idées. Au total, ce sont environ 450.000 familles qui ont conquis la terre grâce à la lutte et à l’organisation des travailleurs ruraux. Le Congrès national (qui se réunit en moyenne tous les 5 ans) est le lieu décisionnel central. Tous les deux ans se tient une réunion nationale, où les décisions du Congrès sont évaluées et mises à jour. Tous les 45 jours se réunit le Conseil national, composé de deux membres par Etat, élus pour deux ans avec une rotation permanente.
Le MST n’a pas de président et fonctionne collégialement : les membres sont directement choisis par la base. « Toute structure qui a un leader risque, à un moment ou à un autre, l’autoritarisme, la corruption, le dévoiement… ou être la cible de mafias ou milices » (Gewe)
Les familles sont organisées du niveau local au niveau national, en fonction des besoins et des demandes de chaque campement, camp ou État. Dans les assentamento et les camps, les familles s’organisent en groupes qui choisissent leurs coordinateurs. Il en est de même aux niveaux régional, étatique et national. Les représentations se font toujours à parité homme – femme. Dans les assemblées des camps, des colonies et dans les instances nationales, tout le monde a le droit de voter : adultes, jeunes, hommes et femmes. Les membres de l’État (territoire de base) se réunissent tous les 60 jours afin d’évaluer l’avancée des orientations nationales, les difficultés rencontrées.
Les personnes mandatées ne sont pas rémunérées, car il s’agit d’une démarche militante et elles conservent leurs activités agricoles mais « la solidarité joue à plein au sein des assentamento ». (Gewe)
La production
« L’une de nos principales contributions à la société brésilienne est de respecter notre engagement à produire des aliments sains pour le peuple brésilien. Si pour les institutionnels production alimentaire – consommation n’est qu’une et même démarche, pour le MST, il faut différencier : les modes de production – la qualité de l’alimentation – le principe de la souveraineté alimentaire et la production vivrière. Grâce à l’organisation de coopératives, d’associations et d’agro-industries dans les colonies, nous cherchons à développer la coopération agricole comme un acte concret d’entraide qui renforce la solidarité et améliore les conditions de travail et les revenus. « La production du riz bio des membres du MST est la plus importante d’Amérique du Sud… Notre volonté est d’arriver à nourrir les 33 millions de Brésiliens qui sont sous alimentés ». (Jeova)
Aujourd’hui, le MST regroupe 1,5 million de personnes (plus de 450.000 familles dans les assentamento –terres conquises-, 150 000 encore dans des acampamento -occupations-). Le MST c’est :
- 185 Coopératives
- 120 petites et moyennes industries agro-alimentaires
- 1.900 associations
- Plus de 50 000 familles mettent en œuvre des pratiques agroécologiques
L’éducation
L’éducation, l’un des domaines d’activité prioritaires du MST, se conçoit avec la volonté que toute personne soit en capacité d’assurer ses responsabilités, d’être un acteur « politique » au sens noble du terme. Cela passe par l’alphabétisation, l’éducation, les responsabilités tournantes, la place égalitaire entre hommes et femmes Il développe des processus éducatifs et inclut prioritairement la lutte pour l’universalisation du droit à des écoles publiques de qualité sociale, de l’enfance à l’université. La formation est un moyen essentiel de la promotion individuelle et collective. Les formations sont d’ordre politique, technique, d’expérimentations, de gestion des coopératives, etc. Tou-te-s doivent savoir lire, écrire, compter pour assumer pleinement ses responsabilités. Le MST élabore collectivement des pratiques éducatives pour un projet social émancipateur, porté par les travailleurs. Démarche qu’a initié Paulo Freire dans sa Pédagogie des opprimés. « L’éducation se présente comme un chemin qui mène à la liberté : personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde. »
La construction d’une école liée à la vie des gens, où la matrice s’inscrit dans le travail socialement productif, la lutte sociale, l’organisation collective, la culture et l’histoire, avec la participation de la communauté et l’auto-organisation des étudiants et des éducateurs. Cela concourt à la reconnaissance, notamment par la jeunesse, des valeurs fondamentales du mouvement.
Le MST c’est :
- Plus de 2.000 écoles publiques construites dans les camps et les colonies
- 200.000 enfants, jeunes et adultes ayant un accès garanti à l’éducation
- 50.000 adultes alphabétisés
- 2.000 étudiants en filières techniques et supérieures
- 10.000 éducateurs, fonctionnaires et collaborateurs dans les écoles publiques construites dans une zone de réforme agraire
- Des écoles itinérantes dans tous les campements
Les occupations
L’hymne du Mouvement des Sans-TerreViens, tissons notre liberté des bras fortsQui déchirent le sol à l’ombre de notre courageDéployons notre rébellion et plantons sur cette terre en frères !Viens, battons-nous, poing levéNotre force nous fait construireNotre patrie libre et forteConstruit par le pouvoir populaire (refrain)Bras levé, dictons notre histoire étouffer avec force les oppresseurslevons le drapeau coloré réveillons cette patrie endormieDemain nous appartient, à nous les travailleurs !(refrain)Notre force sauvée par la flamme d’espoirdans le triomphe qui viendra nous allons forger ce combat,c’est sûr Patrie ouvrière et paysanne libre notre étoile va enfin triompher !(refrain) |
« Le MST organise des occupations massives de terre de latifundia : parfois quelques dizaines de familles mais ailleurs des milliers de personnes là où l’intervention des propriétaires, de milices, de l’armée pourrait entraîner rapidement des risques d’affrontements. Quand il y a des affrontements il est important que nous soyons en nombre, même si nous restons pacifiques… On ne gagne jamais par la violence car nous n’en avons pas le pouvoir ». On organise un acampamento, de là commence une bataille concrète. La répression plus ou moins tardive et importante par la police ou par les mercenaires armés des grands propriétaires d’une part, et une bataille juridique d’autre part où le MST s’appuie sur l’article 184 de la constitution de 1988 qui stipule que « Il incombe à l’Union de s’approprier, par intérêt social, aux fins de la réforme agraire, le bien rural qui n’accomplit pas sa fonction sociale ». Le débat juridique repose sur la définition de la fonction sociale de la terre, débat sensible au regard du rapport de force qui s’installe entre la mobilisation des Sans-Terre et le pouvoir du propriétaire. La bataille juridique peut se conclure par l’expropriation de la terre occupée ou la transformation en assentamento. Dans ce cas, la terre, avec indemnisation par l’État, devient propriété de l’assentamento et chaque famille conquiert l’usage de 10 à 20 hectares qu’elle peut exploiter de façon individuelle, ou collective. Fréquemment les familles s’organisent en coopératives de production et de transformation. A ce jour 7 millions d’hectares ont été conquis par ces luttes (équivalent à la superficie de l’Irlande). Les luttes du mouvement des sans-terre ont permis à près de 500.000 familles sans terre de récupérer des surfaces agricoles. « Le MST évolue et aujourd’hui les jeunes le perçoivent comme un groupe novateur et non comme un groupe de révolutionnaires »… (Gewe)
Ce séjour, nous amena à être hébergés dans 3 assentamento (et nous donna l‘occasion d’en rencontrer deux autres). Hébergement chez l’habitant qui crée les conditions optima d’échanges (avec un traducteur sur le portable). Leur histoire diffère, leur environnement est varié mais ces communautés ont en commun une lutte pour accéder à la Terre. Offensive « vitale » qui nécessita un investissement prodigieux où, bien souvent l’espoir et la mort s’articulèrent. Volonté d’une vie digne pour sa famille, les générations futures, d’une liberté à partager en communauté où le bien collectif a une place de choix. Donner toute sa puissance à la devise du Mouvement « lutter – résister – produire ».
Merci pour ces témoignages où l’émotion atteste de l’intensité des luttes, du souvenir des compagnons qui ne connurent pas la fin victorieuse, du courage, de la force collective de la solidarité… Une leçon de vie, d’espérance !
Assentamento 10 de Abril
L’assentamento est située dans la municipalité de Crato, à une trentaine de kilomètres de la ville au sud de l’Etat du Ceará, au cœur d’une forêt constituée essentiellement de petits arbres épineux dénommée localement « la Caatinga ». Cette communauté de 47 familles a lutté de nombreuses années afin d’accéder à la terre et résiste encore aujourd’hui à de grands projets gouvernementaux néfastes à son environnement. Avant la colonisation portugaise les Indiens Kariri vivaient sur cette zone… Le nom de la communauté correspond à la date à laquelle elle s’est installée sur le site actuel.
Historique
La population se souvient : la lutte avec les autorités a existé depuis de longues années et déjà, en 1936, des avions de l’armée ont bombardé la population. Ill y eut de nombreux morts. Le principal initiateur de cette communauté fut Beato Ze Lourenço, assassiné en 1946, béatifié, sa canonisation est à l’étude à Rome. Il a donné sa vie pour les plus pauvres et servi souvent de négociateur avec l’armée. « Il nous a fait comprendre l’importance de vivre en communauté, que la terre est un bien commun et non un bien privatif, que la priorité était l’autonomie alimentaire en pratiquant une agriculture vivrière ».
Une première occupation, d’où ils furent délogés, eut lieu à quelques kilomètres de l’emplacement actuel. La lutte s’est poursuivie, mais la présence des hommes d’église a toujours été un frein pour les autorités militaires : « les liens avec le MST et l’église catholique nous ont sauvés ».
Anna (73 ans) qui est arrivée avec sa famille en 1991 se souvient, l’émotion à fleur de peau : « Ce fut difficile mais on a toujours résisté. Nous avons été bombardés, mais la communauté était bien organisée. Nous vivions avec deux sentiments : la souffrance, la peur, le danger permanent mais également le plaisir et l’honneur d’agir, la dynamique qui se créait. Elle poursuit : « On est venu ici, de nuit, sous un camion bâché et nous avons occupé un terrain. Il a fallu faire dix heures de marche, sans savoir où cela nous menait. Nous sommes restés 15 jours sur place puis nous sommes repartis à pied chercher quelques affaires.
Les hommes furent arrêtés, menottés, on les traitait comme des bandits, emmenés au parc d’exposition de Crato. Pendant 22 jours nous avons fait pression sur place pour les libérer. Ce fut une période très difficile car de jour comme de nuit la police nous encerclait, nous étions parqués comme des animaux. Nous dormions dans la rue. Le plus difficile c’était de ne pas savoir ce que l’avenir nous réservait. Pour les politiques nous n’étions que des bandits. L’accord fut trouvé de nous installer où nous sommes sur l’espace réservé aux animaux. On a mis nos affaires dans un camion qui transportait d’ordinaire les ordures. Ils ont tout jeté au sol, mais nous étions sans eau, sans maison, sans rien.… A côté du terrain se situait un terrain de réserve d’eau appartenant à l’État. Nous y sommes rentrés, la police et les militaires sont intervenus. Les femmes et les enfants devant en tant que bouclier car si c’était les hommes il y aurait eu des risques d’affrontements, de morts. Un policier vu cette situation s’est mis à pleurer, ce qui nous a ému, mais visiblement aussi d’autres policiers…
Nous étions plus de 100 familles mais nous n’avions pas de quoi nourrir tout le monde. Résister malgré la faim qui nous gagnait. Nous avons demandé de l’aide et nous avons eu des aliments que les riches donnaient à leur bétail. Nous avions pas de maison mais des tentes en plastiques noires, très chaudes, difficiles à supporter. Nous nous organisions pour la propreté. Il y avait une très forte solidarité, les travaux étaient réalisés collectivement. Nous sommes restés un an et demi dans ces conditions. Nous allions en forêt prendre du bois pour la cuisson, construire de petits abris, aller en vendre pour s’acheter des tuiles. Nous avons ainsi créé des maisons provisoires dans lesquelles nous sommes restés 5 ans. Le premier projet fut d’acheter des animaux (chèvres, porcs), mais il fallait leur donner à manger alors que nous-mêmes n’arrivions pas à nous nourrir. »
Adriano, la quarantaine, actuel président de l’assentamento, en larmes : j’avais 7 ans, je me souviens comme si c’était hier, c’est marqué au fer rouge dans ma chaire. Mon père voulait que lorsqu’il partirait sa famille, ses enfants aient un toit et ne dépendent pas d’un patron. J’offre un immense remerciement à mon père qui a donné du sens, de la valeur à notre vie, à la lutte.
L’assentamento s’est organisé au fil des années…
L’assemblée générale des 47 familles, élit pour deux ans, sans appel à candidature, un conseil de direction de dix membres, à parité, aux fonctions suivantes : président et vice-président, trésorier et trésorier adjoint, secrétaire et secrétaire adjoint et quatre membres pour la commission fiscale qui règle les conflits. Le conseil de direction et l’assemblée générale se réunissent tous les mois. Ils débattent puis votent si besoin en respectant les règles de base du MST. De tout temps les responsabilités furent tournantes. José Freira dos Santos fut le premier président du 12 juillet au 6 décembre 1991. Anna précise : les personnes qui n’ont pas connu l’épisode de 1991 ont des difficultés à percevoir la valeur des luttes.
La religion
Le MST puise notamment ses racines dans la théologie de la libération, le soutien très actif de l’église catholique, sans y être structurellement lié. Ici, 95 % des habitants sont catholiques. Comme dans chaque communauté, les habitants ont construit une église. Dalis Ramon responsable paroissial depuis 14 mois: « à mon arrivée, je connaissais peu les réalités de cette lutte. Mais j’y ai trouvé de la chaleur, pas que de la chaleur provenant du ciel, mais de la chaleur humaine qui donne de la force aux paysans pour résister. Cette population partage beaucoup alors qu’elle possède peu, comme les apôtres dans la bible… Proche du lieu d’implantation initiale, les habitants ont conçu une seconde église, lieu de pèlerinage, créé un petit musée relatant la vie de Ze Lourenço et présentant des objets de la vie d’autrefois…
L’éducation
La construction des écoles et le salariat des enseignants est du ressort de l’État… qui traîne les pieds quant aux écoles « MST. » En effet depuis la loi de 1995 leur statut offre un programme analogue à celui des écoles publiques classiques, mais la pédagogie « de projets » et une organisation collégiale, permettent aux élèves « de connaître la valeur de la terre, l’importance d’une réforme agraire ». Cependant, malgré les efforts de formation (dont le soutien de Cuba et du Venezuela), le MST manque de cadres éducatifs. Une crèche accueille les très jeunes enfants, ceux du primaire se rendent dans un village voisin via un ramassage scolaire.
Des infrastructures pour le quotidien
« Notre société est très violente : dans les villes les gens sont anonymes, des enfants errent, se droguent. Dans l’assentamento, où l’alcool est proscrit à l’extérieur des maisons, on a envie d’être ensemble, de s’épauler : une source de vie qui fait notre force, notre richesse ». L’assentamento dispose d’un raccordement au réseau électrique, d’un forage et d’un château d’eau réalisés par l’État de Cereá dont c’est la compétence, Chaque famille possède une citerne en ciment près de sa maison. Elle a en outre la jouissance d’un terrain invendable (qui demeure la propriété de l’assentamento) qu’elle cultive, (aubergine, tomate, maïs, haricots, lentilles, manioc, piment, etc.), élève quelques bêtes (vaches, porcs, chèvres…) et possède une basse-cour. Lors d’une construction (généralement : 2 chambres, une pièce à vivre, une cuisine et une salle de bain/sanitaire), la famille fournit les matériaux et se fait aider par voisins, amis, membres de la communauté pour sa réalisation.
Une radio communautaire, destinée plus particulièrement aux jeunes, est en sommeil depuis le covid. Le centre culturel Maria Filismino de Sousa (nom de la doyenne en 2010, lors de son ouverture « pour marquer la place des anciens dans la vie locale ») est un point d’ancrage communautaire. En ce moment, dans le cadre du projet de Lula d’éradiquer la faim dans le pays, des plats sont préparés quotidiennement pour la population percevant moins de 375 real par mois (100 €).
Communauté de Chico Gomez
A quelques kilomètres du centre de Crato, la communauté de Chico Gomez descend des Indiens Kariri. Elle n’est pas membre du MST, mais en lien et dans sa mouvance.
Historique
Après l’invasion portugaise leurs ancêtres ont migré sur ces terres. Ultérieurement, il en fut de même de riches fermiers qui s’accaparèrent les sols et réduisirent la population en une main d’œuvre servile dans les plantations de canne à sucre. Cela dura des siècles…
Depuis deux ans, la communauté composée de 47 familles et d’environ 300 personnes, a entamé une lutte pour que les terres leur soient rétrocédées, faire reconnaître l’antériorité d’une « colonisation triviale » puisque appartenant à leurs ancêtres. Le propriétaire en titre refusa ce qui entraîna la phase judiciaire basée sur la loi qui précise : si une population travaille et fait vivre la terre depuis au moins 5 ans, elle lui appartient… mais le fermier s’inscrit dans une approche analogue. Elle se trouve à la phase d’acampamento (campement). En cas de reconnaissance de ses droits, la communauté obtiendrait le statut d’assentamento -à savoir la propriété collective de la terre-. Selon les textes, l’indemnisation du propriétaire serait assurée par l’État. Ils obtinrent une première victoire quand leur fut reconnu le droit d’accès à une source suite à une privatisation illégale.
J’ai pris l’amour par les plantes,J’ai discuté avec les fourmisJ’ai échangé avec l’horizon les jours de pluie,Je suis un fabriquant de l’eauJe trouve dans les arbres l’accueil de la terreLes plantes m’ont donné la mainNous nageons, c’est la vieNotre maison c’est la planèteJe suis docteur au cœur des champsMon stylo c’est la binetteMon livre est la terreMon diplôme est la récolte. |
Les enfants vont dans des écoles « classiques » qui nient leur histoire, gomment leurs racines et les jeunes ont une difficulté croissante à s’imprégner de leur origine indigène dans un contexte où la discrimination à leur égard subsiste. Cette situation amena la communauté à créer une association en 1996. Depuis, elle mène auprès des jeunes des actions en se basant non sur une lutte « politique », mais à partir de l’art, des traditions de leur peuple d’origine : faire émerger le droit à la terre, redécouvrir un savoir enfoui. « La base de notre démarche est d’abord de travailler sur la dimension culturelle de leurs origines et de la faire revivre, que cela soit par la musique, la chanson ou le théâtre. Le soutien est plus efficace, car plus populaire, plus festif et permet d’aborder la problématique de fond « en douceur », sous une forme qui permet plus facilement aux personnes d’adhérer à la démarche. Reconnaître les danses ancestrales afin de forger leur identité, création d’un orchestre, d’instruments de musique, cours de guitare, écriture de chansons qui parlent de la terre « la forêt donne le chemin », d’une pièce de théâtre sur les plantes médicinales, etc.. L’art a toujours joué un rôle important dans les luttes sociales, ce qui ne doit pas réduire sa dimension politique. Elle implique la population et mobilise les consciences, première phase d’une reconnaissance dans une approche pacifique, non violente. L’art fait sortir les personnes de leur zone de confort.
Assentamento Palmares
Direction la ville de Crateus pour l’assentamento Palmares. Zumbi de Palmares, esclave qui s’est évadé (nègre marron), chef de l’État noir de Palmares au 17ème siècle, est une figure emblématique de la résistance à l’esclavage des Noirs dans l’histoire du Brésil.
Petits discours de bienvenue d’une demi-douzaine de responsables de la communauté autour d’un aménagement au sol où se trouvent au centre le drapeau du MST, des ouvrages caractérisant l’instruction, des outils symbolisant le travail des agriculteurs, un petit tas de terre, des graines de maïs et de haricots, symboles de la production. Quatre mots sont écrits sur des tuiles, véritable socle de la communauté : lutte, courage, liberté, espérance. Au mur de ce lieu communautaire des portraits : Che Guevara, Fidel Castro et Hugo Chávez comme une trilogie, Frida Kahlo (peintre mexicaine communiste qui lutta pour l’émancipation des femmes) et, moins attendu, un portrait de Charlie Chaplin.
Historique
Francisquinha, dont le père fut l’un des principaux instigateurs de la lutte, conte l’histoire de cette communauté.
« Dès 1967 mon père participa à la création de la lutte non pour envahir des terres mais face à l’alternative : se nourrir ou mourir. Très jeune mon père m’a sensibilisée aux réalités car durant le régime militaire, les pauvres étaient menacés, harcelés, exécutés. Au fil du temps, les décès furent nombreux (surtout des enfants) car il n’y avait pas de quoi manger, la misère se développait rapidement, ils décidèrent de lutter collectivement.
En 1991, une première occupation eut lieu à Navarro mais au bout d’un an et demi ils furent expulsés et envoyés dans un secteur semi-montagneux éloigné où ils furent confrontés à la mort d’enfants, aux animaux sauvages, etc. Cette occupation les poussa à rechercher de nouvelles alliances afin de « continuer à rêver pour que notre rêve collectif se réalise. »
« La seconde occupation, en 1993, s’organisa sur le lieu actuel en intégrant les réalités : « avant nous étions un peu naïfs, maintenant nous savions que ce serait difficile. Le drapeau du MST fut immédiatement déployé. L’alternative qui nous guidait : soit nous obtenions l’accès à la terre, soit nous irions au cimetière. Afin d’affirmer notre détermination nous avons immédiatement construit un chalet et non utilisé des tentes. L’évêque Dom Fragoso favorisa l’organisation collective, nous conforta dans la justesse des idées défendues, l’impératif d’une réforme agraire. Il fut un soutien indéfectible : toujours en première ligne car policiers et militaires ne voulaient pas affronter directement un ecclésiastique. Le MST apporta son concours en termes d’organisation, mais aussi en intégrant dans la démarche, au-delà de la réforme agraire, les dimensions éducation et santé. Le premier défi fut de comprendre que seuls on ne va pas loin, qu’il faut passer du « je au nous »».
Le juge décida notre expulsion et quatre recours furent vains. Nous étions toujours perçus comme des envahisseurs pour ne pas dire des bandits, des sauvages. Nous nous sommes battus afin d’élargir les soutiens : Dom Fragoso fut d’un secours exceptionnel en mobilisant en France, aux Pays-Bas et même en Russie. Cette mobilisation très large évita l‘expulsion. Nous avons construit des maisons, organisé la vie de la quarantaine de familles, mis en place des cours d’alphabétisation. La majorité des familles ne se connaissaient pas et nombre d’analphabètes étaient présents. Comme nous souhaitions que tous participent aux prises de décision et soient responsables, cela induisait que chacun soit lettré, objectif que nous nous sommes fixés sur deux années.
Nous avions comme adversaire les riches propriétaires auxquels s’alliaient les hommes des pouvoirs centraux et par-là même police et armée. Nous avons subi l’intervention de « gitans » (mercenaires payés par de riches propriétaires), mais en 1995 l’officialisation de la propriété des terres fut obtenue.
Nous avions obtenu satisfaction sur l’accès à la terre. Nous avions de nombreux projets mais progressivement l’individualisme prit une place de plus en plus important. Si une majorité de familles souhaitait poursuivre l’action dans le même esprit, notamment pour obtenir une réforme agraire, d’autres eurent une attitude de propriétaire et se sont satisfaits de la situation, récupérés par le système. Il y eut donc une scission, extrêmement douloureuse. 40 % des familles s’exclurent de la démarche « nous avions dès lors deux ennemis ». Les minoritaires furent contraints de partir créer à un petite distance « Palmarès 2 ». Les relations très tendues se sont apaisées au fil des années et les deux font aujourd’hui parties du mouvement.
L’organisation interne
Les 67 familles sont réparties en cinq groupes de 10 à 12 personnes en fonction de leurs affinités et désignent un référent pour la coordination. Les fonctions sont réparties au sein des groupes: éducation, culture, santé, loisirs, etc..
Les problèmes, les souhaits, les difficultés se discutent librement à l’initiative de chacun des groupes. « Nous avons tous les mois une assemblée générale des habitants où nous prenons des décisions (par vote s’il n’y a pas de consensus) qui sont enregistrées officiellement (chacun signe le document) puis les groupes échangent leur mise en application concrète. « Au MST les décisions sont collectives et doivent être respectés par tous ».
Il n’y a pas de travaux collectifs réguliers. Quand des travaux d’envergure sont nécessaires (repeindre la structure centrale, par exemple) tout le monde s’y implique. Par contre pour des travaux localisés (ex : entretien de tel ou tel parcelle, il est attribué -toujours en AG seul lieu de décision- à une famille ou à un groupe de familles).
Le pays est machiste : les hommes s’occupent de l’agriculture, les femmes de la maison et des enfants, voire de son potager. Même si des postes sont attribuées à des femmes, l’homme est toujours derrière pour contrôler. Avant la femme était l’employée de l’homme. Nous refusons cette donne et agissons « en interne » pour qu’il en soit autrement.
Infrastructures et vie sociale
« Nous avons un accès à l’eau (construction de deux barrages et d’un château d’eau par l’Etat), un accès à la terre, tout le monde mange à sa faim. Nous sommes 67 familles et 183 personnes. Notre difficulté principale est l’individualisme bien que nous nous engagions tous à rester solidaires. Nous avons médecin, aide-soignante, technicien en agronomie, en agroécologie, agronome, pédagogue, assistante sociale, un « commissariat » (une personne sensibilisée à la sécurité locale, au respect de la loi), un député local… mais 9 % des gens sont encore analphabètes. »
Les familles vivent principalement du travail des champs (maïs, haricot, pastèques, papayes, bananes…). Deux ou trois vaches, porcs, moutons ou chèvres, une basse-cour (poules, canards, pintades…), des cultures variées dans le lopin entourant la maison (choux, citrons, figues de barbarie, etc.) pour une consommation personnelle. Les excédents sont donnés au voisinage ou vendus sur le marché syndical rural de Crateus.
La communauté possède un troupeau de chèvres, un tracteur pour les gros travaux…
Dans la journée, de part et d’autre de l’allée centrale rectiligne la vie semble tourner au ralenti. De temps à autre une moto, quelques vaches ou chèvres… En soirée l’animation ressemble davantage à nos villages. Un quart des familles possède une voiture, de rares vélos, mais la moto (souvent à deux et… casqués) est l’engin privilégié.
Devant le bâtiment central une cabine téléphonique « nous la laissons afin de rappeler qu’il fut un temps où elle était l’unique moyen de communiquer avec l’extérieur »
Dès 1995 la communauté créée sa Radio communautaire « Radio componese FM 107,5 – MST – CE ». Un micro et une antenne se substituent à la machette du logo. En 2011 elle obtient le statut de libre diffusion, mais sa situation précaire fait dire à son responsable Ze Paulo : il s’agit d’une radio pirate tolérée.
Une église est en construction depuis plusieurs années, réalisée bénévolement par les habitants. Un maçon de l’assentamento (évangéliste) en assure l’encadrement…
Une crèche accueille des enfants de 2 à 5 ans. La mairie souhaite la fermer car elle n’accueille que six enfants mais les habitants résistent…
Aucune vente d’alcool n’a lieu, ce qui n’en interdit pas sa consommation en privé.
Notre principal projet, en négociation depuis trois ans, est de construire une école de la terre, sorte de lycée du système public, aux méthodes MST, multidisciplinaire où l’apprentissage est inclus. Les travaux du bâtiment devraient démarrer l’an prochain. Elle sera destinée à tous les jeunes des environs : l’orientation se fera selon la proximité, ainsi nous pourrons sensibiliser à la pédagogie et aux valeurs MST des jeunes vivant à l’extérieur de l’assentamento.
Une rencontre « hors norme »
Toute la population est invitée pour un échange avec le groupe. « Un forro », ensemble musical composé uniquement d’hommes de plus de 60 ans, anime la soirée qui s’achèvera par une restauration avec les apports des familles…
Entre temps moment de véritable échange, introduit par un poème à la gloire du MST lu par Karol, l’une des jeunes leaders locales (extraits) : Indigènes, Africains, Paysans avançons main dans la main – sortons de l’esclavage, de l’ignorance – nous avons créer des centaines de coopératives, construit des écoles – Protège la maison commune la terre mère – on a essayé de nous criminaliser – notre lutte se nourrit de la solidarité – une réforme agraire pour éradiquer la misère sociale – garantir le droit de tous les peuples – et assurons le droit de vivre libre – 40 ans d’existence – célébrons notre culture, notre production – on propose la construction d’un pays libre et solidaire où les pauvres vivront sans crainte du lendemain…
Le drapeau du MST est passé de mais en main… quand la musique s’arrête, la personne exprime ce qu’il en est de son vécu, de sa perception du Mouvement. Il nous est ensuite demandé de dire pourquoi nous sommes venus, ce que nous apporte un tel voyage, comment nous vivons et agissons en France… Moment d’émotion dans une solidarité partagée.
Rencontre avec Joao Paulo Alves,
En tant que membre des brigades (conjointement avec une femme selon les règles internes) il a la responsabilité d’organiser les assentamento. Il intervient auprès d’une coopérative qui travaille la viande de chèvre et de mouton, ainsi que de la pulpe de fruit vendue à l’Etat pour une distribution dans les écoles..
Depuis la veille sa préoccupation majeure porte sur l’occupation (acampamento) à Fozinta Sao Pedro. Ils en sont à leur cinquième occupation : la première en 2004 sur un terrain appartenant à une entreprise et ne purent y rester, une seconde en 2005, une 3ème en 2010, une 4ème en 2011 et celle-ci depuis le 19 février 2024.
Les précédentes débouchèrent sur un échec « davantage par les pressions extérieures, les tracas judiciaires, jamais par une violence physique. La situation actuelle est quel que peu différente car le propriétaire n’est pas un jusqu’au-boutiste, et ne cherche pas à expulser manu militari les familles, il est prêt à vendre, des négociations sont engagées : le dossier est entre les mains de la préfecture (qui financerait le dédommagement). 170 familles occupent le lieu.
Une nouvelle rencontre égayée musicalement par le forroprécède notre départ. Un texte est lu par Karol :
Chaque moment de nos vies, pas toujours joyeux mais ça s’inscrit dans l’instant.
A chaque instant je grandis, à chaque morceau une joie qui nous permet d’être plus humain, plus fier, c’est ainsi que la vie se fait de tous petits morceaux de présent, de lumière. Il y a toujours un autre petit morceau dans la vie qui permettra de grandir, celui que vous avez laissé par votre venue, votre regard, nos échanges. En espérant que de votre côté vous pourrez également grandir par ces mêmes petits morceaux que ces moments partagés nous avons cherché à vous offrir de notre mieux, avec notre cœur… et ainsi de morceau en morceau vous pourrez faire une broderie.
Assentamento Barra das Moitas
Dans l’État du Ceará, à moins d’une centaine de kilomètres de Sobral, commune d’Amontada, le long du littoral, se situe le village de pêcheurs de Moitas, dont l’assentamento Barra das Moitas forme, en quelque sorte, un quartier. Zone touristique au fort potentiel. Le site se situe entre le Rio Aracatiacu à l’ouest, la mer au nord, et par des dunes, dites « vivantes » car elles se déplacent sous l’effet du vent. Paysage au règne de la mangrove.
L’assentamento se présente comme un petit village de pêcheurs, aucun signe extérieur informe de son appartenance au MST ce qui pourrait effaroucher le touriste. « Notre communauté vit principalement de la pêche (crabes, coquillages…) et de l’agriculture (maïs, manioc, noix de coco)… Ce sont environ 100 familles qui se sont mobilisées durant 20 ans afin de conquérir une terre à cultiver, un lieu pour construire leur maison. Notre organisation travaille également sur les thèmes de l’éducation, des loisirs et de la qualité de vie pour la communauté « (Reinaldo)
« Ici depuis la nuit des temps tout le monde est agriculteur et pêcheur. Le tourisme s’est développé depuis quelques décennies ce qui a permis la création d’emplois comme la conduite de bateau, la restauration.
Depuis un siècle il existe une pression immobilière mais les choses s’organisaient sans trop de difficultés : une cohabitation pas toujours facile mais tolérée par tous. C’est en 1993 qu’est apparue la nécessité de défendre nos terres car une entreprise belge décida d’acheter les terrains pour réaliser un complexe sportif, des hangars pour la construction de gros bateaux…. Le projet avorta grâce à la mobilisation locale et au soutien de l’église. La communauté a démarré avec 13 familles.
Plus tard, des habitants surprirent des individus mesurant des parcelles « il y eut immédiatement une prise de conscience d’une insécurité quant à leur devenir ». Un fermier envisageait de vendre. Cela est devenu « zone de conflit » La mort d’un paysan déclencha des violences, un conflit armé. La population quitta le lieu, mais quand au bout de quelques temps certains vinrent rechercher de leurs affaires, un nouvel accrochage se produisit, ils furent arrêtés et emprisonnés. L’affrontement fit un mort dans la police. Ils furent torturés. Certains furent libérés au bout de 4 mois, d’autres 8 mois. (Lors du jugement en 2008 les présumés leaders, dont Jairo, furent condamnés à 10 ans de prison. Avec le soutien du MST, de l’église, la pression de différents organismes et ils ne retournèrent pas en prison.) Les femmes eurent la place centrale dans l’organisation de la lutte.
Les héritiers vendirent 25 hectares au porteur du projet immobiliser ; certaines familles acceptèrent une indemnité et un terrain éloigné du littoral, mais une quarantaine de familles installa des tentes noires avec le soutien d’associations, d’autres assentamento, de l’église. « Des milices payées par le propriétaire les cernèrent et tiraient sur qui franchissait les limites : la population ne pouvait plus pêcher ni vendre des noix de coco ». Les porteurs du projet immobilier firent pression auprès de la population des environs promettant un développement économique, des embauches, de l’argent injecté dans les projets locaux, etc. jusqu’à ce qu’elle fasse cause commune. Ceux qui travaillaient en ville furent licenciés, les enfants déscolarisés, les commerçants refusaient de vendre « aux MST ». Le MST « comme un père » se débrouilla pour fournir de la nourriture « nous ne mangions que de la farine de couscous et du poisson » et sensibilisa la population de la ville pour inverser le rapport de force.
« Des hélicoptères passaient en rase-motte détruisant les habitats provisoires. » Le MST les accompagna dans une négociation au niveau de l’État du Ceará, mais ce n’est qu’en 2015 que l‘acte de propriété à l’assentamento fut officialisé sur une partie du périmètre.
Un litige demeure : le promoteur veut construire un hôtel de 180 chalets sur une bande de terre entre l’assentamento et l’océan. Les habitants souhaitent en faire une réserve naturelle en classant la mangrove en réserve de l’État… décision judiciaire attendue ! Pendant notre séjour (28 février) des pêcheurs aperçoivent « des hommes inconnus prendre des mesures, allant notamment sur des terrains privés ». Des responsables de l’assentamento partent immédiatement en préfecture afin que des constats d’huissier soient réalisés ».
Infrastructures et vie sociale
Une école à la pédagogie MST est en construction depuis… 11 ans, preuve d’une absence de volonté manifeste de la part des autorités locales. En attendant, les enfants se rendent dans une localité voisine.
Une crèche à la pédagogie MST accueille 12 enfants de 3 à 6 ans. L’assentamento a créé un écomusée afin que les jeunes générations puissent y trouver des éléments de leurs racines et sensibiliser les touristes.
Dans l’église construite par les habitants, se déroule hebdomadairement le rosaire : le mercredi celui des femmes, le jeudi celui des hommes. Cérémonies vouées à la Vierge Marie, moment sensible de la vie de l’assentamento.
Aujourd’hui… quel tourisme ?
« Balade en bateau dans la mangrove, restauration au bord de l’eau, baignade, pratique sportive, etc. Nous ne sommes pas contre le tourisme, il nous apporte de nouvelles ressources, mais nous voulons un tourisme humain où la rencontre a toute sa place. Nous ne voulons pas un tourisme de masse qui défigure le paysage ne prennent pas en comptes les notions environnementales. Plusieurs familles louent des chambres, organisent des visites de la mangrove, ont ouvert des lieux de restauration. »
Nos perspectives ? La solidarité existe mais l’action s’épuise après une trentaine d’années de luttes « face à un ogre où l’argent est dieu et le MST le diable». Nous luttons sur la base de nos valeurs afin que nos racines demeurent vivantes. Notre grand-père a été fouetté parce qu’il ne voulait pas se soumettre, il ne s’est jamais soumis. Aujourd’hui les personnages ont changé mais nous prenons dans son exemple une force pour un accès juste à la terre. Des entreprises qui veulent arracher nos terres disent « nous allons améliorer la vie des gens… vous deviendrez plus heureux, mais nous sommes heureux ! Il faut résister en action de paix, valoriser la défense de la vie, l’accès à la terre par ceux qui la travaillent. Le MST a insufflé des actions pour vivre libre, en responsabilisant les gens.
Assentamento Lagoa de Mineiro
A une vingtaine de kilomètres de Barra das Moitas se trouve l’assentamento Lagoa de Mineiro où est implantée l’école MST « EEM Francisco Araujo Barros » du nom d’un militant de la première heure égorgé. Ecole d’agroécologie où « brille dans le ciel l’étoile du Che ». Une inscription au mur : « l’éducation ne change pas le monde, l’éducation change les hommes qui changeront le monde. » Etablissement de 240 jeunes de trois assentamento, créée en 2012. Une association de jeunes sans terre s’est constituée. A notre arrivée les élèves sont réunis sous le préau et chantent l’hymne du MST. Français ? « la terre de M’Bappé ! ».
On nous demande de nous présenter. Remise d’un planisphère à la directrice, symbolisant l’unité des luttes à travers le monde.
L’école se compose de trois secteurs :
1) Les études et la recherche de projets (notamment sur l’impact environnemental dans la lagune)
2) Les pratiques sociales communautaires : professionnaliser l’apprentissage des jeunes en étant dépositaire de leur histoire
3) l’organisation par le travail à travers la production, notamment les techniques en mandala (circulaire) basées sur l’aquaponie qui créent un écosystème entre le point central où se situe l’eau et l’élevage de poissons et les cultures en périphérie réparties en différents cercles selon la nature des relations entre plantes. « Savoir-faire où l’envie doit surpasser les aspects techniques. »
Le MST s’est engagé à planter 200 millions d’arbres. D’ici 3.500 plants ont déjà été fournis. Parmi ceux-ci, des anacardiers omniprésents au Nord-Est. Rassemblement sous l’un d’entre eux, lieu à la mémoire des morts (3 assassinats), qui symboliquement est également le lieu d’évaluation des élèves. Un vaste terrain offre cultures variées et expérimentations aux élèves dont les produits sont consommés sur place.
La directrice nous lit un poème qui sera récité lors de la conférence nationale du 40ème anniversaire (extrait).
« Il n’y a rien de plus beau que de voir un enfant sourire dans la terre des tentes noires. On sait que c’est notre habitat. Il n’existe rien de plus triste qu’un cadavre allongé par terre, sur la poitrine une tache de sang de la balle du patron, qu’un compagnon emprisonné par la volonté d’un propriétaire sachant que la justice est achetée par l’argent
Un jour ce système dégueulasse se transformera et garantira à tout le monde, riche ou pauvre, notamment à ceux qui n’ont rien, de vivre dans la liberté et la dignité. »
L’assentamento, divisé en 7 secteurs, s’est constituée en 1987 avec 75 familles. Depuis 122 autres s’y sont installées.
Les premières années furent très difficiles, trois des membres furent assassinés. Ils se sont installés sur une propriété d’un prêtre qui officiait pour la communauté où il cultivait noix de cajou, noix de coco, manioc. Lors d’une célébration il annonça sa volonté de vendre et demanda à la population de quitter son terrain. La réaction fut vive : nous lutterons et vous comprendrez pourquoi nous luttons, ce ne sera pas l’enfer, ce sera le paradis ! Il paya des mercenaires afin de faire pression sur la population, quitte à tuer. La lutte fut gagnée avec le soutien du MST, de l’église. Un statut officiel fut obtenu (dans le cadre de la réforme agraire). L’assentamento est d’une superficie de 5.797 hectares, dont 1.600 hectares en zone de sauvegarde (non bâtissable ; il en est toujours de même dans le cadre d’une réforme agraire). Pour avoir une production plus lucrative ils refusent les intermédiaires et vendent directement à des transformateurs.
Au-delà d’un travail de fond sur l’accès à l’éducation, à la santé, aujourd’hui la communauté poursuit les luttes « mais davantage dans le champ de la solidarité, en soutien à des assentamento, en difficulté ».
La dimension communautaire est toujours très présente. A titre d’exemple, la veille de notre venue, s’est tenue l’assemblée générale de la population en présence de 177 familles. Son objet était l’accueil de 28 nouveaux ménages, majoritairement des enfants de familles déjà implantées !